L’évaluation des salariés en toute objectivité

par | Nov 14, 2025 | Juridique

Depuis quelques années dans les entreprises la mode est à la valorisation des soft skills. Derrière cet anglicisme se cache ce qu’on pourrait appeler les savoir-être, c’est-à-dire ces pseudos compétences qui se sont progressivement imposées dans les temps d’évaluations des salariés mais aussi dans les procédures de recrutement.

Si la notion de « compétence » largement employée était déjà délicate à manier, particulièrement sujette à interprétation subjective par les employeurs, c’est encore bien pire avec ses « soft skills » ou « savoir-être ». « Tes écrits sont bien mais dans l’échange tu es trop timide ou trop direct, tu es polie pour accueillir les clients mais sois plus souriante… », ces quelques exemples illustrent bien toute la subjectivité inhérente aux savoir-être dès lors qu’il s’agit de les évaluer.

La chambre sociale de la Cour de cassation[1], saisie d’un litige concernant une procédure d’évaluation, a récemment mis un peu d’ordre.

Les faits

Une entreprise agro-alimentaire organise l’évaluation des salariés en ayant recours à un dispositif d’entretien de développement individuel qui comprend des « critères de cotation des compétences comportementales groupe » libellés ainsi :

  • L’ambition, évaluée selon la « persévérance » ou la capacité à « faire preuve d’optimisme » ;
  • L’engagement à travers des notions comme la « transparence » ou « agir et communiquer avec honnêteté avec sa hiérarchie et ses collègues » ;
  • La simplicité en sachant « être pragmatique » et « se montrer concret en faisant preuve de bon sens ».

L’employeur a justifié ce dispositif en considérant que dans l’exercice de son pouvoir de direction, il peut, pour évaluer la capacité professionnelle de ses salariés, avoir recours à toute méthode d’évaluation reposant sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie. Et selon cet employeur, la capacité professionnelle du salarié comprend non seulement ses connaissances techniques, mais aussi ses facultés d’adaptation, son aptitude à s’intégrer dans une équipe ou à l’animer. Ce sont des éléments de la personnalité du salarié sur lesquels l’évaluation peut légitimement porter.

Pertinence et objectivité indispensables

Comme la Cour d’appel de Rennes, la Cour de cassation a confirmé l’illicéité d’un tel dispositif d’évaluation. Si le Code du travail permet à l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de procéder à l’évaluation du salarié, les méthodes et techniques auxquelles il a recours doivent être « pertinentes au regard de la finalité poursuivie[2] ».

La Cour s’appuie également sur l’article L1222-2 qui précise que « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles ». Elle confirme la position des juges de rennes qui ont considéré que les critères comportementaux utilisés :

  • Avaient une « connotation moralisatrice qui rejaillissait sur la sphère personnelle des individus,
  • Étaient trop vagues et imprécis pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l’activité des salariés en vue de l’appréciation de leurs compétences au travail,
  • Entraînaient une approche trop subjective de l’évaluateur qui pouvait alors s’éloigner de la finalité première : la juste mesure des aptitudes professionnelles du salarié.

[1] Cass. Soc. 15/10/2025, n°22-20.716
[2] Art. L1222-3 C. Trav.

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