L’action juridique ne remplace pas l’action syndicale ; pour autant, recourir au droit est un des outils du syndicalisme, particulièrement à l’heure où le patronat et certains politiques visent à défaire les droits conquis des salariés.
Harcèlement
Harcèlement sexuel ; Propos sexistes justifiant le licenciement ; Licenciement d’un salarié harceleur sexuel ; Cause réelle et sérieuse du licenciement.
Le fait, pour un salarié, de tenir de façon répétée des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants envers ses collègues est de nature à caractériser un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement décidé par l’employeur (Cass. soc. 12 juin 2024, no 23-14.292).
Dans cette affaire, après avoir été soumis à une proposition de mise à pied d’un mois, un salarié avait été licencié pour faute, car il avait tenu des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants envers ses collègues féminines. Il contestait son licenciement.
Dans un premier temps, la cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif qu’une telle sanction était disproportionnée en ce qu’elle avait été sollicitée par un représentant syndical quand l’employeur (qui avait pourtant connaissance des faits litigieux) n’envisageait, de son côté, qu’une mise à pied d’un mois.
En cassation, le licenciement a, au contraire, été validé. Commençant par rappeler, « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », les juges ont ensuite rappelé l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur. En vertu de celle-ci, ce dernier doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs, protéger leur santé physique et mentale, mais aussi évaluer les risques et les éviter (art. L. 4121-1 et L.4121-2 C. trav.). La Haute juridiction en a déduit que le comportement du salarié était, « quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur », un comportement fautif permettant de justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Modification du contrat de travail par l’employeur
Toute modification du contrat de travail est importante voire essentielle et donc à surveiller.
La durée contractuelle de travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifiée sans l’accord du salarié. L’employeur ne peut décider de manière unilatérale de dissocier les heures de travail des temps de repos sur le bulletin de salaire, en dépit d’un taux horaire identique (Cass. soc. 24 mars 2024, n° 22-22.032).
On ne le répètera jamais assez : il faut vérifier son bulletin de salaire le plus régulièrement possible. Certains changements décidés par l’employeur peuvent, a priori, sembler sans importance… alors qu’il s’agit en réalité de modifications illégales du contrat de travail. L’arrêt ci-dessus illustre ces pratiques pernicieuses.
À la suite de son licenciement, une employée libre-service à temps partiel attaque son employeur aux prud’hommes. Elle lui reproche, entre autres, d’avoir modifié sans son accord la mention relative au temps de travail figurant sur son bulletin de paie. Concrètement, que s’est-il passé ? Depuis l’embauche de la salariée en 2001 et durant treize ans, une seule ligne du bulletin de paie était consacrée au temps de travail effectué. Y était mentionnée la durée prévue par le contrat de travail, soit 130 heures par mois, ainsi que le salaire correspondant. En septembre 2014, l’employeur décide de faire apparaître deux lignes : l’une correspondant aux heures de travail proprement dites, soit 123,80 heures ; L’autre correspondant aux temps de pause rémunérés, soit 6,20 heures.
S’agit-il d’une simple « réécriture » du bulletin de paie ou d’une modification de la durée du travail ? Sans surprise, l’employeur défend la première analyse. Selon lui, aucun changement n’est à déplorer puisque la salariée était toujours rémunérée 130 heures, avec un taux horaire identique pour les heures de travail et les temps de pause. Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis. D’une manière générale, il est fait interdiction à l’employeur de modifier unilatéralement une mention du bulletin de paie touchant à un élément essentiel du contrat de travail. Une telle modification est impossible sans un accord explicite du salarié (sur la nécessité d’un accord clair et non équivoque, voir Cass. soc. 8 juillet 2015, no 14-12.305). Sont concernés, a minima, la qualification, le taux horaire du salaire et la durée du travail.
Dans notre affaire, les juges appliquent ce principe : la durée contractuelle de travail figurant sur le bulletin de paie, base de calcul de la rémunération, ne pouvait être modifiée sans l’accord de la salariée. Dissocier, comme l’avait fait l’employeur, les heures de travail des temps de pause, certes rémunérés de manière identique, revenait à faire apparaître une durée de travail inférieure à la durée contractuelle (123,80 heures mensuelles au lieu des 130 heures prévues par le contrat).